Les tableaux de Tribus réalisés à la Bazouge de Chemeré

A La Bazouge de Chemeré ou aux environs proches, Tribus a peint au moins les sujets suivants :
- les bombardiers le 17 juin 1940, survolant la vallée de la Vaige avec la rive est, le moulin,  les carrières et un four à chaux ;
- l'église avec son clocher très pointu d'avant l'incendie de 1926 ;
- le porche de l'hôtel et le clocher de l'église avec son clocher très pointu d'avant l'incendie de 1926 ;
- des lévriers devant les bâtiments de l'ancienne mine d'anthracite ;

Des témoignages nous disent qu'ils en ont vu d'autres il y a longtemps :
- des chevaux buvant dans une mare à la Quinterie ; N. B. la Quinterie se trouve en fait sur les terres de S^tDenis du Maine
- une cour avec une barrière
- ...
- une ou deux horloges comtoises

En général ces tableaux sont de bonne facture!      


Les bombardiers le 17 juin 1940, survolant la vallée de la Vaige avec la rive est, le moulin,  les carrières et un four à chaux


https://slideplayer.fr/slide/3746434/

Le 17 juin 1940 les avions allemands bombardent le secteur où des troupes françaises se sont repliées tuant des civils, des militaires et quelques vaches.
Tribus qui avait peint la vue de sa fenêtre y rajoute les bombardiers inquiétants.
Ou bien Tribus a peint postérieurement après 1942 ce magnifique paysage en y ajoutant à la demande de quelqu'un qui avait vécu ces tragiques évènements ces terribles bombardiers comme il en avait peut être vu passer lui aussi dans le Cantal....


Sur ce tableau on voit l'autre rive de la Vaige qui passe à la Bazouge, et cette rive est calcaire alors que le bourg est sur des schistes argileux parfois carbonifères. En haut à droite on voit un four à chaux et devant une carrière. La maison en haut à gauche s'appelle pour cette raison "Le Rocher"
A droite derrière le pont on voit un ancien moulin qui fonctionnait jusqu'en 1860 quand l'immense étang de 2km de long qui s'arrêtait au pont a été asséché suite à quatre années de malaria touchant jusqu'à la moitié de la population très nombreuse à l'époque (mines en activité).
Et devant on voit les jardins des maisons qui sont sur une sorte de promontoire, au dessus de la vallée de la Vaige.
La route qui s'en va mène à Chémeré-le-Roi...

Ces histoires sont détaillées dans : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bazouge-de-Chemer%C3%A9

Pour les sœurs jumelles Terrier, modiste et couturière de la place de l'église qui lui fournissaient de la toile pour ses tableaux (et qui sont intervenues pour donner à boire et à manger aux gens de l'exode arrêtés sur la place de l'église), Tribus a offert cette reconstitution du survol de la Bazouge par les bombardiers qui venaient de bombarder Chemeré-le-Roi, dont Jean Broussin âgé de 8 ans se souvient encore.

Marguerite Terrier épousera François Bougeant devenu veuf très tôt et c'est pourquoi c'est l'épouse de son fils éponyme qui possède aujourd'hui le tableau.


https://chercher-archives.lamayenne.fr/ark:/37963/r25146dhf3xk/f1
On retrouve les donataires dans le recensement de 1936
et de 1946...








L'église d'avant 1926

C'est une reconstitution faite par Tribus à partir d'une carte postale sans doute car le clocher a été raccourci après l'incendie de 1926 et la toiture entièment refaite!


Tableau daté semble-t-il de 1943 donc sans doute offert à l'abbé POLAS décédé en 1944. C'est pourquoi l'église est représentée avant l'incendie de 1926 qu'a combattu l'abbé Polas. L'abbé Bondis remplace définitivement l'abbé Polas décédé en 1944.

Quand l'abbé Bondis est parti il l'a donné à son grand ami le boulanger de la place de l'église, M Bourdin qui est parti en 1963 travailler sur Paris mais a laissé le tableau à la Bazouge. Beaucoup plus tard, le cadre un peu lourd avait fait chuter le tableau qui s'était déchiré et le maître pastelliste, Chris Serrurier, qui habite le bourg et y donne des cours très suivis le mardi soir, l'a restauré. Ensuite les époux Bourdin l'ont offert à la commune.

Et il trône dans la salle du conseil municipal :

Le porche de l'Hôtel du Porche et le clocher de l'église d'avant 1926

Tribus a peint un tableau du porche et de l'église pour le charron qui lui a spécialement demandé de mettre le clocher pointu qu'avait l'église avant l'incendie de 1926.



https://chercher-archives.lamayenne.fr/ark:/37963/r25146dhf3xk/f1
On retrouve les commanditaires des tableaux dans le recensement de 1936
et de 1946...





D'autres artistes ont peint un monument aujourd'hui disparu : le porche de l'Hôtel du Porche.

Le porche de l'Hôtel du Porche en 1914

Inspecteur Columbo a écrit:
Le porche a été abattu avant 1957 puisque Mme P. Broussin est venue à cette date habiter chez son mari juste en face et ne l'a jamais vu.
Il a donc été très probablement abattu en en 1956 car quelqu'un né en 1949 s'en souvient (7 ans en 1956) alors que sa femme née en 1951 ne s'en souvient pas (5 ans en 1956).

A l'époque c'était un monde qui préférait le formica au chêne ciré, le tracteur et l'automobile remplaçaient le cheval.
En plus à ce qu'on nous a dit, l'équipe de la mairie de l'époque ne dépensait rien, n'empruntait pas et quand ils partirent la commune était très en retard par rapport à d'autres, alors investir pour sauver un monument était une idée qui ne les a même pas effleuré.

En 1914 un artiste, Frédéric Désille, avait déjà remarqué ce curieux bâtiment à restaurer :

paru dans : Un promeneur en Mayenne, Félix Desille (1869-1952). Notes et dessins - ISBN : 2-86053-051-7 - Prix : 10 €
https://archives.lamayenne.fr/publication/un-promeneur-en-mayenne-felix-desille-1869-1952-notes-et-dessins
Et il avait dit qu'il faudrait le restaurer pour le préserver.

Le porche de l'Hôtel du Porche avant 1956 et le clocher de l'église

Un autre artiste dont je n'ai pas encore réussi à déchiffrer la signature a vraiment mis en valeur cette place avec le porche de l'hôtel et au fond le clocher de l'église. J'ai pu prendre ce tableau en photo lors d'une journée du patrimoine en 2007 à la porte de la mairie.
Et depuis quelqu'un m'a passé une meilleure photographie.
Mais ce n'est pas de Tribus, presque un contemporain puisque la toile date d'avant 1956!

Le porche de l'Hôtel du Porche vers 1944 et le clocher de l'église  par Edouard Cortès

Alors que je cherchais sur le web il y a quelques années des images de la Bazouge de Chemeré, Google qui connait mon choix pour les peintures, m'a présenté cette peinture d'une galerie new-yorkaise Rehs qui représente une rue de ce village sous la neige :


Et sous un titre farfelu : "le sud de la France" le même tableau avec une route mouillée sous un soleil entre les nuages


Comme on peut le voir c'est postérieur à 1926 car cette année-là la foudre a mis le feu à l'église et le clocher est tombé. Il a été reconstruit plus court comme sur le tableau.
Les cloches brisées et refondues ont été bénies le 30 juin 1930.
De même à gauche l'Hôtel du porche (maison en surplomb) a été rebâti sans le surplomb.

Qui est Edouard Léon Cortès (1887-1969)?
Le fils d'un peintre espagnol qui est venu voir l'Exposition Universelle en 1885 à Paris et s'est installé à Lagny-sur-Marne où son fils Edouard naîtra en 1887 et mourra en 1969.
Le père d'Edouard lui a appris à peindre.

C'est soi-disant un peintre post-impressionniste mais c'est pas sympa pour les impressionnistes car il truque toutes ses lumières et a simplement une touche un peu large, un peu floue, mais rien à voir avec l'impressionnisme. En particulier il ne peint pas sur le motif mais dans un atelier (sans doute avec de bonnes photographies et beaucoup d'imagination car la neige c'est pas souvent)

wiki a écrit:il expose pour la première fois au salon de 1902 où il présente des rues de Paris la nuit : tableaux qui lui permettent de remporter un immense succès. Il devient membre de la Société des artistes français et il y expose ses tableaux tous les ans.

En 1915, il reçoit une médaille d’argent au Salon des artistes français et une médaille d’or au Salon des indépendants. Il peint essentiellement des paysages parisiens où il a le plus souvent recherché les effets du moment de la journée ou de la nuit, les effets de la météorologie, des saisons : le matin, le soir, la pluie, la neige, etc.

Edouard Cortès, veuf, choisit d'habiter chez sa belle-sœur, veuve, en 1939, au sud-est de Caen à Cormelles le royal et il y restera jusqu'en 1954.
Mauvaise pioche : son atelier sera détruit en 1944 dans les bombardements américains...
Il est peut-être venu à la Bazouge ou a travaillé d'après photo peut-être pour payer son hébergement chez un natif ou une native de la Bazouge de Chemeré, en tout cas il l'a donné puisqu'on ne retrouve aucun papier de vente et que de ce fait certaines personnes doutent de son authenticité même s'il est parfaitement signé. Ce n'est pas une des ses innombrables vues de Paris le soir sous la neige ou le soleil après la pluie donc ce n'est pas un faussaire qui l'a fait pour le vendre en Amérique où se trouvent ces deux tableaux...






les lévriers devant la vieille mine

Les mines d'anthracite se sont développées à partir de 1825 pour alimenter les fours à chaux qui consommaient tout le bois de la région et créaient la "disette de bois" (Cahier de doléances de 1789). La chaux servait essentiellement aux cultivateurs pour le chaulage des terres. Quand les engrais chimiques ont été disponibles, les fours à chaux se sont arrêtés et les mines d'anthracite ont bouché les puits, démonté le matériel et les mineurs sont partis en 1896 créant une grave crise que nous raconte l'instituteur dans la monographie de sa commune en 1899 (pour l'exposition de 1900).

Monographie : https://chercher-archives.lamayenne.fr/ead.html?id=FRAD053_2NUM026_RM&c=FRAD053_2NUM026_RM_de-99

Wikipedia : Les Mines de la Bazouge de Chemeré : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mines_de_charbon_de_La_Bazouge-de-Chemer%C3%A9

Un des bâtiments industriels restant a été transformé en base ULM :


Ce tableau un peu surréaliste avec ces 2 lévriers poursuivant un lièvre est une vue des bâtiments de "la Vieille Mine" prise depuis la maison du site "Les Mines" située de l'autre côté de la route. Jean Broussin m'a dit que cette maison était habitée par le père Morin qui était un grand chasseur et je comprends du coup pourquoi il y a ces 2 lévriers qui poursuivent un lièvre!!!

Commissaire Maigret a écrit:
Effectivement au recensement de 1936 dans ceux qui habitent les mines il n'y en a qu'un qui soit son propre patron, susceptible de se payer un tableau :


https://chercher-archives.lamayenne.fr/ark:/37963/r25146dhf3xk/f1
et c'est justement Ernest Morin né en 1900 presque du même âge que Tribus mais la base de recensement ne m'avait pas dit que c'était un grand chasseur...

En 1946 il est toujours là comme entrepreneur cette fois-ci.

Mais il a connu de grands malheurs ; un fils mort en bas âge avant guerre, puis sa femme morte brûlée vive en voulant rallumer le fourneau avec du pétrole car il était trop impatient, enfin son autre fils dépérit et mourut 6 mois après sa mère très choqué d'avoir vu ce drame.
En 1946 il ne lui reste que ses filles de 16 et 18 ans qui partiront se marier plus tard dont l'une emmènera sans doute ce tableau... Ou bien un brocanteur qui sera appelé par les filles à la mort de leur père. En tout cas ce tableau partira bien loin...

...puisque je viens de racheter ce tableau au restaurateur d'Avignon, bon cuisinier et amateur d'art, qui l'avait déniché dans une foire et qui s'est fait connaître auprès de l'équipe du Cantal après avoir trouvé l'article du journal la Montagne sur Tribus et sur l'appel aux témoignages.

Les tableaux signalés à découvrir
Après internet j'ai relancé les réseaux sociaux classiques. Des personnes âgées vont contacter d'autres personnes âgées pour se souvenir des tableaux de Tribus qu'ils ont vus ou des horloges comtoises décorées par lui et chez qui ils les ont vus. Ensuite ils essaieront de contacter les descendants de ces propriétaires...


Les tableaux manqués
Les témoignages d'une enfant de la Bazouge disent que Tribus était un peu filou et qu'il puait. Elle a donc refusé que Tribus fasse son portrait.

D'autre part venant d'Italie et d'Auvergne il ramassait et consommait les escargots ce qui n'est pas dans l'habitude des mayennais. Aujourd'hui le maître pastelliste de la Bazouge de Chemeré perpétue cette tradition et lors du marché d'été où il y a une productrice d'escargots qui vient nous faire goûter ses produits, j'ai l'impression que nous ne sommes que deux à en profiter.

Des mayennais qui exagèrent sans doute cette cuisine qu'ils ne connaissent pas disent même que Tribus mangeait les escargots crus...


On ne trouve pas Tribus au recensement de 1946! Il a 45 ans. Cela fait à peine 4 ans qu'il est là, 2 ans que la Bazouge a été libérée par les américains et il est déjà parti!

L'abbé Polas a été enterré aux frais de la commune en 1944.

archives municipales La Bazouge 1944

L'abbé Bondis a remplacé définitivement l'abbé Polas et habite à la Bazouge



Au sortir de la guerre les peintres ont du mal à sortir du marasme, où alors ils tombent amoureux...
A l'époque Picasso né en 1881 peint ainsi :

https://lewebpedagogique.com/khagnehida/archives/27712
La femme fleur, Françoise Gilot - 5 mai 1946 - sa nouvelle muse

Il y a beaucoup de personnes sur ce tableau, la famille étant très nombreuse

Un homme grimpe, une jeune fille devant, les jumelles sur la balançoire





C'est une ferme voisine avec une barrière sur lequel on voit un couple et à côté une petite fille poussant une poussette
Celle qui était la fille à la poussette m'a raconté que Tribus a représenté dessus le père absent (prisonnier de 39 à 45) à partir d'une simple photographie...
mais elle n'a pas voulu que je prenne son tableau en photo.



Petite remarque, cette ferme est située dans une commune adjacente de La Bazouge de Chemeré, S^t Denis du Maine, mais...
l'encadrement est typique de ceux réalisés par le charron de La Bazouge-de-Chemeré!!!

Il y avait à l'époque deux tableaux de chevaux : celui-ci et un autre où des chevaux boivent dans une mare.

Un des enfants de la Quinterie se souvient bien avoir vu Tribus poser son chevalet dans l'herbe et peindre les chevaux. Il s'en souvient encore... mais il est né en 1942 donc soit c'est un souvenir "raconté", soit il faut donc supposer que Tribus est revenu peindre ces deux tableaux vers 1948 une fois que la pièce a été montée au Bourgeuf-la-Forêt et qu'il se trouvait temporairement sans travail, la décoration du théâtre terminée et tous les décors peints.

Une personne nous amène un nouveau Tribus : sa mère institutrice de l'école libre à la Bazouge a reçu ce tableau de Tribus : un étang avec une barque et des cygnes!

Remarquons la racine sensuelle qui rappelle les décors du café de Bais

Ce tableau est "daté" par le cadre : c'est encore un de ces encadrements faits par le charron!

Le style de ce tableau est très étrange : il nous rappelle les toiles faites plus tard avec des dominantes colorées. Ici c'est l'orange et le vert!
Ce n'est pas tout à fait des couleurs de dessin animé de Walt Disney même si sa racine y fait penser

Plus tard ce sera le bleu, rose et vert, comme dans le "Danube" de Mordelles et comme l'étang de Goven à Mordelles. Nous ne retrouvons pas l'harmonie des couleurs de Tribus que l'on voit dans les "bombardiers", les "lévriers", etc. ou bien dans certaines fresques murales du Cantal.

A-t-il utilisé de mauvais ingrédients qui ont tourné? Est-ce son vernis qui a tourné? ou la photo qui ne nous rend pas l'équilibre des couleurs même si pour cet étang j'ai vu le tableau en vrai?

toiles citées:

Ensuite il est bien difficile de reconnaître ce plan d'eau. Est-celui de la Bazouge? Impossible car il n'y avait plus d'étang à la Bazouge entre 1860 et 1964.
Alors est-ce l'étang très proche de Vaiges?


Ou bien le lac à côté du château d'Aubigné


Certain témoignage raconte que Tribus était amoureux d'une fille de Vaiges et voulait l'épouser mais que le curé ayant enquêté auprès de sa commune de naissance aurait découvert une impossibilité. On parle de divorce mais le divorce n'existait pas en Italie et avant qu'il soit devenu italien en 1919 il avait juste 18 ans ce qui fait un peu court pour se marier en Bohême et y divorcer si tant est que le divorce existe quand il était citoyen mineur du Tyrol de l'empire d'Autriche. D'ailleurs on se demande comment Tribus a été libéré de ses obligations militaires?

Ou bien le témoin a mal compris, c'était la jeune femme de Vaiges qui devait divorcer pour épouser Tribus et ça le curé s'y opposait bêtement.