Tribus et le théâtre paroissial de La Bazouge de Chemeré

Le théâtre paroissial date de 1925 environ (donc à peu près au moment où l'électricité est installée dans le bourg en 1924).
(voir supputation sur la vie du curé Polas https://giuseppe-tribus.forumactif.fr/t25-histoire-des-2-cures-de-la-bazouge-de-chemere

Le bâtiment était d'abord au début du XXe siècle un hôtel, l'hôtel de la Croix au quartier de la Croix Verte :

L'enseigne au carrefour avec une croix prouverait que l'hôtel n'est pas désaffecté

Lieutenant Columbo a écrit:
Dans les recensements en 1866 j'ai trouvé un aubergiste habitant dans ce quartier :

recensement 1866 - La Bazouge de Chemeré

Et en 1911 un hôtelier :


Il n'y a pas de recensement en 1916 à cause de la guerre et au recensement de 1921 on ne trouve plus d'hôtelier ; 3 hôtels à La Bazouge c'était sans doute un de trop maintenant que les mines sont arrêtées...
Car Mr Paumard dirige l'Hôtel du Porche en 1911 et en 1921 (Camille Lepage l'a tenu en 1881 et en 1901)
Et dans la rue Neuve il y a le Lion d'Or où sont recensées un hôtelier ou une hôtelière...

Cet hôtel a été donné par Mr Lelièvre au diocèse pour en faire une école libre de garçons, l'école du Sacré Cœur. Le curé POLAS a engagé des ouvriers payés par le diocèse pour transformer le rez-de-chaussée en classes et pour aménager une salle de spectacle à l'étage en obturant les fenêtres, lambrissant le plafond, installant un gros poêle et fixant des sièges :

L'abbé POLAS a enseigné aux enfants dans cette école jusqu'à 1935 (65 ans) puis a été malade en 1940 jusqu'à son décès en 1944.

Derrière l'hôtel il y a un petit bâtiment en bois, une annexe, on voit deux fenêtres où il y avait une pièce d'eau-cuisine où Tribus pouvait se faire à manger (les escargots ramassés) et c'est là que Tribus aurait vécu. Il montait se cacher sous-l'estrade à l'étage quand les allemands débarquaient pour faire des contrôles.

Aujourd'hui cette école libre est devenu mixte et ne propose plus que quelques (2?) classes, les autres classes étant effectuées dans une école équivalente à Bazougers, village contigu à la Bazouge. Des cars emmènent d'une école à l'autre les frères et sœurs qui ne sont pas dans la même classe donc dans la même école. L'école du Sacré Cœur est entretenue par des bénévoles et les parents des enfants.

Une spécialiste du trompe l'œil, parent d'élève, est venue y décorer les fenêtres occultées.

Le bâtiment de derrière où logeait Tribus a été isolé par l'extérieur. On voit que les murs et le toit du théâtre à l'étage sont en souffrance...
et qu'il n'y a pas de sortie de secours extérieure. Ce théâtre n'est donc plus utilisé depuis le décret n° 73-1007 du 31 octobre 1973 relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public

Des animatrices sont venues faire faire aux enfants des poupées-sculptures pour décorer le potager éducatif de l'école. Tribus aurait trouvé cela bien sympathique  


Revenons-donc en arrière en 1942 quand Tribus arrive à La Bazouge de Chemeré après son évasion de St-Nazaire où il avait été réquisitionné par l'organisation TODT pour la construction ou la décoration des salles sans fenêtres de la base sous-marine de St-Nazaire. C'est un étranger donc TODT réquisitionne directement les étrangers (espagnols, italiens, etc.) ou des allemands qui sont alors payés tandis que pour la France TODT demande au STO de lui envoyer des hommes.

Il tombe sacrément bien pour le père Bondis qui lui trouve tout de suite du boulot (rafraichir ou changer la décoration du théâtre) et une cachette face aux allemands.

L'avant scène du théâtre

Tribus a dû décorer toute l'avant-scène du théâtre pendant la guerre :

Le 28 avril 2019, j'ai moi-même pu visiter le théâtre à l'étage après les cours (après avoir demandé à la directrice de l'école libre) et j'ai pris ces photos :





Le texte du frontispice fait penser à un texte d'une tragédie grecque car je ne sais pas si Tribus l'italien amateur de théâtre aurait lu le français Racine.
Quand on cherche chacune des phrases sur Google les réponses ne sont jamais exactes :

• des cantiques (influence du curé?)
  
• des extraits de Phèdre de Jean Racine
  
• une chanson des Compagnons de la Chanson de 1959 dont la première phrase résume un peu la vie de Tribus : "Je suis le vagabond, le marchand de bonheur"
  
  
  Le marchand de bonheur
  
  Je suis le vagabond, le marchand de bonheur
  Je n'ai que des chansons à mettre dans les cœurs
  Vous me verrez passer, chacun à votre tour
  Passer au vent léger, au bon vent de l'amour
  
  J'ai les quatre saisons pour aller flâner
  Et semer des moissons de baisers
  J'ai l'automne et l'hiver, le ciel et la mer
  Le printemps et l'été pour chanter
  
  Vous êtes des enfants qui vous donnez du mal
  Du mal pour vous aimer et du mal pour pleurer
  Et moi j'arrive à temps, à temps c'est bien normal
  Pour aller réparer ce que vous déchirez
  
  J'ai les quatre saisons pour sécher vos pleurs
  Et changer l'horizon de vos cœurs
  J'ai l'automne et l'hiver, le ciel et la mer
  Le printemps et l'été pour chanter
  
  Je donne à bon marché de quoi rire de tout
  De quoi rire de tout, plutôt que d'en pleurer
  Je ne demande rien pour me dédommager
  Qu'à voir sur mon chemin la joie que j'ai donnée
  
  (Refrain)
  J'ai les quatre saisons pour sécher vos pleurs
  Et changer l'horizon de vos cœurs
  J'ai l'automne et l'hiver, le ciel et la mer
  Le printemps et l'été pour chanter
  
  (Refrain)
  Je suis le vagabond, le marchand de bonheur
  Je n'ai que des chansons à mettre dans les cœurs
  Vous me verrez passer, chacun à votre tour
  Passer au vent léger, au bon vent de l'amour
  
  Parolier : Jean Broussolle Musique :  Jean Broussolle & Jean-Pierre Calvet (membres du groupe)
  
  Trois des compagnons de la chanson étaient d'Annonay :
  - le fameux Fred Mella qui était le soliste ténor et son frère René Mella étaient du Piémont
  - le grand Jo Frachon (la basse)
  
  
  
  passage à la télévision de la chanson
  
  

En fait sur le frontispice il y a 4 personnes!

Celle du haut qui sourit a écrit:

J'ai semé du bonheur et plein de joie je chante

Celle de gauche a écrit:

De bonne renommée qui porte l'habit
Souriant vit sur Terre et va au Paradis

Elle nous pousse à sourire et être connu

Celle de droite a écrit:

Fuis l'obscur laurier que la vie épouvante
Et couvre toi des gloires que la vie enchante

Celle du bas a écrit:

Par mes sombres forfaits mes malheurs sont bâtis

Tribus a peut-être aussi peint des décors pour des pièces : mais personne encore n'est allé les prendre en photo et pourtant ils trainent au fond....

Et peu après mon passage, un journaliste du Courrier de la Mayenne a obtenu que la directrice fasse nettoyer ce débarras avant de faire les photos :

D'autres étaient passés avant nous il y a longtemps en 1998 :

Extrait de la revue 303 n°58 article de JL Cerisier et photos de Bernard Renoux, photographe du patrimoine de la Région pays de la Loire.
303 arts, recherches, créations, la revue culturelle de la région des Pays de la Loire. (1998) 6€
page 82 du catalogue https://www.editions303.com/wp-content/uploads/2018/12/303-Catalogue-2018.pdf
malheureusement épuisée à la vente mais consultable à la bibliothèque de la Bazouge de Chemeré

D'autres photos m'ont été envoyées :





Elles montreraient bien le soin que Tribus a apporté au décor de toute la salle. Mais est-ce de Tribus? Car on dit que Tribus n'a peint que l'avant-scène!
Cette décoration daterait donc de 15-20 ans avant l'arrivée de Tribus à La Bazouge au moment où on a posé les sièges.